1,3 million. C’est le nombre de personnes âgées vivant aujourd’hui en maison de retraite. Derrière cette statistique brute, une question simple, mais rarement posée : une fois la porte de l’établissement franchie, qui tient les rênes du compte en banque ? La réponse, loin d’être évidente, navigue entre droits, devoirs et une mécanique juridique où chaque acteur doit trouver sa place, sans jamais s’effacer devant l’intérêt de la personne.
La désignation d’un tuteur ne fait pas disparaître les obligations financières qui pèsent sur un proche placé en établissement. Les règles sont strictes : la gestion des comptes obéit à un encadrement précis. Pourtant, tout n’est pas noir ou blanc. Certaines zones restent floues, notamment sur la façon d’informer la famille et d’associer les proches aux décisions. Un tuteur n’a pas les mains libres sur tout : certaines opérations, comme des placements importants ou la vente d’un bien, nécessitent l’aval du juge.
Les proches ne sont pas écartés pour autant. Ils gardent un droit d’accès à l’information, mais celui-ci s’exerce dans le respect de la vie privée et des choix de la personne protégée. Trouver le bon équilibre entre protection, transparence et respect de la volonté individuelle, voilà ce que la loi tente de garantir, point par point.
Qui peut gérer les comptes d’une personne en maison de retraite ?
La gestion des comptes bancaires d’un résident en maison de retraite dépend d’abord de son degré d’autonomie et de sa situation juridique. Tant que la personne garde la capacité de gérer ses affaires, elle reste décisionnaire : régler les factures, organiser ses virements, choisir à qui donner procuration, tout cela demeure possible. Un mandat bancaire, confié à un proche de confiance, autorise ce dernier à agir dans les limites fixées par la convention passée avec l’établissement bancaire.
Dès que l’état de santé ne permet plus d’assumer ces démarches au quotidien, il devient nécessaire de s’appuyer sur une mesure de protection juridique. Selon les circonstances, le juge des tutelles peut décider d’une curatelle ou d’une tutelle. Le curateur intervient alors pour accompagner la personne dans les actes importants, tandis que le tuteur prend la main sur la gestion, toujours sous le regard du juge et avec l’obligation de justifier ses choix, surtout pour tout ce qui touche au patrimoine.
Schéma de gestion des comptes :
Voici les principales configurations possibles pour la gestion des comptes :
- Gestion directe par la personne autonome
- Procuration confiée à un tiers, souvent un membre de la famille
- Curateur ou tuteur désigné par le juge des tutelles
L’objectif de la protection juridique est de sécuriser le quotidien du majeur protégé tout en défendant ses intérêts. La banque, soumise au secret professionnel, réclame systématiquement la preuve de la décision judiciaire ou de la procuration pour adapter la gestion du compte à la situation réelle.
Tutelle, curatelle, habilitation familiale : ce que dit la loi sur les responsabilités
Quand l’autonomie décline, la loi encadre chaque mesure de protection juridique pour préserver la personne fragilisée. Trois dispositifs cohabitent : tutelle, curatelle et habilitation familiale. Chacun correspond à un niveau de vulnérabilité, sous la supervision du juge des tutelles.
La tutelle s’applique dans les cas les plus lourds : là, le tuteur décide à la place du majeur protégé, gère les comptes, peut vendre un bien si nécessaire. En curatelle, la personne garde la main sur les actes courants mais doit être accompagnée pour les choix majeurs : placements, signature d’un bail… Ces dispositifs, toujours décidés par le juge, reposent sur un avis médical et l’examen détaillé de la situation.
L’habilitation familiale offre une alternative plus souple : un membre de la famille reçoit le pouvoir d’agir, sans contrôle permanent du juge, pour des actes précisément listés. Le code civil balise chaque étape : du choix du mandataire judiciaire à la protection des majeurs jusqu’à la liste des pouvoirs accordés. Impossible, cependant, d’aller au-delà sans autorisation du juge : vendre un logement ou retirer une somme conséquente reste soumis à son accord.
Chacune de ces mesures repose sur un principe : protéger la personne, respecter ses choix, garantir la transparence. Ce cadre légal impose une vigilance constante, tout entière tournée vers l’intérêt de la personne protégée.
Famille et aidants : quels droits et limites dans la gestion des finances ?
Le cercle familial occupe souvent une place centrale dans l’organisation des comptes bancaires d’une personne en maison de retraite, surtout lorsqu’elle a besoin d’un accompagnement quotidien. Mais la loi ne laisse pas de place à l’improvisation : sans procuration bancaire ou mesure de protection officielle, l’accès aux comptes demeure strictement limité, même entre proches.
La procuration souscrite auprès de la banque donne la main à un membre de la famille ou un aidant sur certains aspects seulement : régler une facture, retirer de l’argent, surveiller les mouvements. Mais impossible de toucher aux placements ou de vendre un bien : la personne de confiance doit se tenir au cadre fixé, sous peine d’engager sa responsabilité. La rigueur et la traçabilité de chaque opération sont indispensables, avec le respect de l’intérêt de la personne protégée en ligne de mire.
Voici ce que la procuration permet ou non :
- Seuls les actes de gestion courante sont autorisés via une procuration simple.
- Les actes de disposition, achat ou vente de biens, nécessitent une mesure de protection juridique comme la tutelle, la curatelle ou l’habilitation familiale.
La répartition des rôles s’ajuste souvent entre membres de la famille. Certains s’occupent du quotidien, d’autres prennent en charge l’administratif ou fixent des plafonds pour les cartes bancaires. Le dialogue reste le meilleur rempart contre les tensions : chaque décision doit préserver l’autonomie restante et respecter l’intérêt de la personne.
Vers qui se tourner pour un accompagnement fiable et des démarches sécurisées ?
La banque demeure le premier point d’appui pour structurer la gestion des comptes bancaires d’un résident en établissement. Mieux vaut solliciter un rendez-vous avec le conseiller clientèle : il saura présenter les différentes options (procuration, suivi des opérations, blocage en cas de doute sur une arnaque), et répondre précisément à la situation rencontrée. Un entretien en face à face apporte souvent des solutions concrètes, loin du flou du tout-numérique.
Quand les enjeux se corsent, dépendance aggravée, tensions familiales, litiges, le mandataire de justice désigné par le juge prend la relève. Ce professionnel administre le patrimoine, assure le règlement des frais auprès de l’ehpad, et monte les dossiers d’aides financières (Apa, Apl). Le conseil départemental, de son côté, instruit les dossiers d’allocation personnalisée d’autonomie et guide vers les dispositifs adaptés.
Les organismes sociaux, CAF, MSA, assurance maladie, épaulent les démarches et vérifient la conformité des demandes d’aide. Restez attentif : le risque d’escroquerie n’est pas théorique. Mails suspects, appels douteux prétendant agir pour la maison de retraite ou la banque : dès qu’un doute surgit, prévenez la personne référente et demandez un second avis avant toute transmission d’informations sensibles.
Pour compléter l’accompagnement, voici deux points à ne pas négliger :
- La mutuelle peut prendre en charge une partie des frais de santé liés à la vie en ehpad.
- Pensez à solliciter des conseils lors de l’arrivée en établissement : mieux vaut anticiper les démarches que courir après les urgences.
Au bout du compte, gérer les finances d’un proche en maison de retraite relève d’un savant dosage : protéger, accompagner, mais sans jamais confisquer la voix de celui ou celle dont l’avenir se joue. Une vigilance constante, des échanges ouverts et la capacité à s’entourer de conseils fiables font toute la différence quand l’équilibre est si délicat à maintenir.


